La découverte de la plus grande nappe phréatique du monde dans le pays le plus aride du monde avait de quoi laisser Mouammar kadhafi espérer atteindre l'indépendance alimentaire. Mais le plan est tombé à l'eau.

Artères d'eau douce et rivières de sang : le projet hydraulique de Kadhafi

En 1953, quand elle découvre la plus grande nappe phréatique du monde par hasard, lors d’un forage d’exploration pétrolière, la Libye est largement importatrice de denrées alimentaires. C’est un lac d’eau douce souterrain qui couvre une superficie de plus de 2 millions de kilomètres carrés dans un des pays les plus arides du monde, recouvert à 90 % de désert. Le projet de Grande Rivière Artificielle lancé par Kadhafi consiste à pomper l’eau douce des nappes et de les acheminer vers le reste du pays via un réseau d’acqueducs souterrains d’environ 4 000 kilomètres de long.

27.260186, 42.798402

27.260186, 42.798402

Le chantier est opéré par une entreprise nord-coréenne et les deux usines de tubes en béton préfabriqués – assez grand pour qu’un camion passe à travers – sont italiennes. Au total le projet prévoyait 1 300 puits, dont certains devaient forer jusqu’à 600 mètres de profondeur, qui alimentent l’acqueduc qui débite 2,5 millions de mètres cube d’eau par jour vers la tripolitaine. Vue du ciel, la Grande Rivière Artificielle laisse apparaître 8 immenses réservoirs d’eau à ciel ouvert et des centaines de champs circulaires à irrigation centrale comme celui-ci.

27.260186, 42.798402

27.260186, 42.798402

Vue du ciel, la Grande Rivière Artificielle ne laisse apparaître que ces immenses réservoirs d’eau – huit au total – le reste de la rivière étant sous terre.

L’intervention de 2011 risque de les priver de cette tuyauterie géante. Les avions de l’OTAN ont volontairement bombardé l’une des deux usines de tubes préfabriqués, arguant que Kadhafi l’utilisait pour cacher des armes. La guerre civile a provoqué des arrêts intermittents de production du pétrole et des pannes d’électricité, qui mettent à mal le fonctionnement de la GRA. L’économie de la Libye dépend de cette aorte qui alimente les deux principales villes, Tripoli et Benghazi, mais aussi une grande partie des terres agricoles.

Paul Mesnager, 2022