La découverte de la plus grande nappe phréatique du monde dans le pays le plus aride du monde avait de quoi laisser Mouammar kadhafi espérer atteindre l'indépendance alimentaire. Mais le plan est tombé à l'eau.

Artères d'eau douce et rivières de sang : le projet hydraulique de Kadhafi

Avant de promettre des « rivières de sang » à son propre peuple, le colonel Kadhafi lui avait promis une rivière artificielle. Ce fut le second chantier le plu cher de l’Histoire et un succès relatif. Comme pour l’Arabie Saoudite l’autosuffisance alimentaire est un enjeu capital. Les Etats exportateurs de pétrole ont un très grand pouvoir sur les pays qui en achètent. Les Etats exportateurs de derées alimentaires ont la vie des pays importateurs entre leurs mains. En l’occurrence la Libye, pays désertique, est largement importatrice mais elle dispose de la manne pétrolière pour trouver une solution.

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La plus grande nappe phréatique du monde avait été découverte par hasard en 1953 dans le sud du pays pendant un forage d’exploration pétrolière. Un lac d’eau douce qui couvre une superficie de plus de 2 millions de kilomètres carrés. Dans un des pays les plus arides du monde, recouvert à 90 % de désert, c’est une aubaine. C’est donc sur cette nappe non-renouvelable que s’est appuyé le Guide pour imaginer son projet de Grande Rivière artificielle, sensée rendre le désert « aussi vert que le drapeau de la Jamahiriya libyenne ».

Il s’agit de pomper l’eau douce des nappes et de les acheminer vers le reste du pays via un réseau d’acqueducs souterrains d’environ 4 000 kilomètres de long. Le chantier est opéré par une entreprise nord-coréenne et les deux usines de tubes en béton préfabriqués géants – assez grand pour qu’un autobus passe à travers – sont italiennes. Au total le projet prévoyait 1 300 puits, dont certains devaient forer jusqu’à 600 mètres de profondeur, qui alimentent l’acqueduc qui débite 2,5 millions de mètres cube d’eau par jour vers la tripolitaine. Le projet a été déployé progressivement, en 5 phases, et on en estime le coût total à plus de 25 milliards de dollars.

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Vue du ciel, la Grande Rivière Artificielle ne laisse apparaître que ces immenses réservoirs d’eau – huit au total – le reste de la rivière étant sous terre.

L’intervention de 2011 qui devait libérer le peuple libyen risque de les priver de cette tuyauterie géante. Les avions de l’OTAN ont volontairement bombardé l’une des deux usines de tubes préfabriqués, estimant que Kadhafi l’utilisait pour cacher des armes. La guerre civile a provoquédes arrêts intermittents de production du pétrole et des pannes d’électricité, qui mettent à mal le fonctionnement de la GRA. La vie de la Libye dépend de cette aorte qui alimente les deux principales villes, Tripoli et Benghazi, mais aussi une grande partie des terres agricoles. Si cette artère s’arrête, ce n’est pas une rivière mais une pénurie d’eau qui frappera la Libye.

Paul Mesnager, 2022